le
26 mai 2014 18H00 | par Jacques Attali
L’avenir
pourrait nous rappeler très bientôt que, depuis plus de vingt-cinq
ans, une grande crise économique et financière s’est déclenchée
tous les sept ans :
En
octobre 1987, le
Dow
Jones perd 22,6 % en une journée ; c’est le premier krach de l’ère
informatique. La crise s’étend vite ; le 2 novembre 1987,
Time
Magazine fait
sa couverture sur : « La panique s’empare du monde ». La Fed
réussit à calmer le jeu.
En
décembre 1994, alors qu’une euphorie des entreprises fondées sur
Internet enfle dans la Silicon Valley, l’Orange County, tout à
côté, spécule sur les marchés financiers, et se déclare en
faillite ; un peu plus tard, une brutale et brève crise
monétaire et financière asiatique se propage en Russie et au Brésil
puis aux États-Unis. La Fed réussit là encore à maîtriser la
situation.
Dès
avril 2001, la bulle Internet, qui s’est formée depuis cinq ans,
explose ; l’indice Dow Jones perd 7,3 % en une journée. Encore une
fois, la Fed calme le jeu en inondant le pays de liquidités, qui se
transformeront en crédits immobiliers.
A
l’été 2008, l’explosion d’une bulle sur la titrisation des
crédits hypothécaires déclenche une nouvelle crise, cette fois
véritablement planétaire. Les banques centrales et autres prêteurs
permettent une nouvelle fois, aux États et aux entreprises, de
s’endetter à bas taux, sans pour autant obtenir qu’ils
investissent et se réforment.
Nous
approchons de la fin d’une nouvelle période de sept ans. Des
bulles se sont partout reformées. Et si la croissance n’est pas au
rendez-vous, ou si une crise géopolitique vient l’interrompre (en
Ukraine, en Chine, au Brésil, ou ailleurs) ces bulles exploseront ;
les taux d’intérêt monteront ; le financement des emprunts
deviendra très difficile ; la mondialisation fera le reste et
les marchés, qui ne disent plus la valeur du risque, seront une
nouvelle fois pris de panique.
En
toute logique, cette crise devrait se déclencher en 2015. Si on ne
s’y prépare pas, elle sera pire que les précédentes, en
particulier en Europe. Pour deux raisons : d’une part, parce
que presque tous les jokers ont été utilisés -nul ne pourra
s’endetter d’avantage- et la BCE, même en utilisant tous les
moyens à sa disposition, y compris les plus hétérodoxes, ne pourra
pratiquement rien. D’autre part parce que, à la différence des
crises précédentes, le monde est loin d’être en paix ; les
guerres et les menaces de guerres, civiles ou entre nations, se
multiplient rendant les investisseurs plus frileux encore.
Il
n’y aura alors plus d’autres solutions que de payer la note ;
en clair, de rembourser les dettes ou de les annuler. Et cela ne
pourra être fait, en particulier en Europe, qu’en mettant à
contribution les détenteurs finaux des créances, c’est-à-dire
les épargnants, qui verront leur épargne spoliée, non par
l’inflation, mais par une ponction sur leurs comptes, comme cela
fut le cas à Chypre (ce que permettent explicitement les accords
récents sur l’Union Bancaire, dits de « bail in »,
même si c’est encore peu connu).
Il
est encore temps de s’en rendre compte. Et d’agir. En particulier
en Europe, en recréant les moyens d’une croissance saine et
durable ; cela ne passe que par quatre moyens, qu’il faut
d’urgence utiliser simultanément :
Une
action pour faire baisser significativement l’euro relativement au
dollar, qui suppose que les ministres des finances de la zone euro la
demande enfin explicitement à la Banque Centrale.
Une
relance de l’investissement, qui ne peut venir que par de grands
projets publics, en particulier en matière de réseaux d’énergie
et de télécommunication, financés par des eurobonds, ou par la
BEI, ou par les diverses Caisses des Dépôts nationales. Encore
faudrait-il que ces institutions cessent de s’accrocher à leur
sacrosaint triple A, qui les paralyse.
Une
accélération des réformes de structure dans l’Europe du Sud, en
particulier en France, libérant les forces créatrices, comme l’ont
fait, chacun à leur façon, avec le succès que l’on sait, les
Allemands, les Anglais, les Suédois, et les Canadiens.
La
recherche attentive de la paix, en particulier entre les Européens
et leurs voisins de l’Est et du Sud.
Si
tout cela n’est pas très vite entrepris, avec courage et ténacité,
en particulier par les pays européens enfin rassemblés, bien des
orages éclateront. Dans les 18 prochains mois.
Personne
ne pourra prétendre qu’il n’était pas prévenu.
Source :
blogs.lexpress
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